Il y a une
trentaine d'années l'abbaye de Bon-Repos n'était qu'une gigantesque ruine
envahie par la végétation. Contre vents et marées une poignée de bénévoles ont
fixé, restauré, mis en valeur une grande partie des prestigieux restes.
Pour cette
résidence, j'ai voulu réaliser une manière de portrait de quelques-uns de ces
restaurateurs discrets et modestes, furtifs en quelques sortes.
Le lieu de
l'installation ; deux salles contiguës communiquant par une embrasure de porte,
volumes ouverts jusqu'à la charpente remarquablement reconstituée selon les
techniques traditionnelles. 10 ou 12 mètres de hauteur sur une moindre
largeur.
Les éléments
principaux de ma proposition sont le temps et la visibilité (corollaire
du désir). Désirer voir ! ce qui d'évidence, défini L'abbaye et ses
"anges" re-bâtisseurs. L'histoire c'est le temps.
Pour réaliser
les portraits, je me suis servi d'un système très classique de représentation :
l'anamorphose. Je pensais aux "ambassadeurs" d'Holbein et au
déplacement dans l'espace que le regardeur doit effectuer pour faire apparaître
la totalité de la représention. Au delà de la Vanité, dramatique par
l'apparition d'un crâne, l'anamorphose est une construction géométrique, un
dispositif qui donne à voir si (et seulement si) le regard se positionne
correctement, le désire.
Pour inscrire
les portraits des bénévoles dans une métaphore temporelle je les ai dessinés
anamorphosés sur de simples architectures de papier en forme de cônes.
Suspendus ainsi
dans la charpente, ils avaient l'air de drôles d'oiseaux! tournants lentement
sur eux-mêmes, ils semblaient s'adresser la parole - et ils en avaient des
choses à se dire, à nous dire ! Alors je les ai enregistrés pour réaliser une
création sonore de 4h30. Ainsi un spectateur venant les visiter à plusieurs
reprises, n'avait que peu de chance d'avoir déjà entendu leurs histoires et
leurs chants, ni vu l’intégralité des 15 portraits ; le spectateur devant
chercher sans cesse la bonne position, bien dans l’axe des cônes pour que
l’image apparaisse. Ah oui, l'installation s'appelle personne (à la fois présence et absence).
Une petite illustration en forme d'animation d'une minute ici : https://vimeo.com/116948527/11bb6342e9